Nos enfants sont-ils accros aux écrans? Le point de vue de Serge Tisseron

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Serge Tisseron, éminent psychiatre, référent dans les rapports des enfants avec leurs écrans et créateur des balises « 3-6-9-12 pour apprivoiser les écrans et grandir », a accepté de répondre à quelques unes de nos questions. Nous l’en remercions chaleureusement et partageons avec vous ses réponses.

En tant que parents, nous faisons de notre mieux pour aider nos enfants à se réguler avec les écrans.
Mais malheureusement, il arrive parfois trop souvent que l’on soit pris par d’autres exigences et un jour que l’on fasse le constat que notre enfant passe beaucoup trop de temps devant les écrans. Il devient de plus en plus difficile de le faire décrocher, de lui faire faire autre chose.

Selon vous quels sont les signes avant-coureurs d’une addiction aux écrans?

 
En fonction des âges, comment les détecter et agir au bon moment ?

Serge Tisseron:

On ne parle plus aujourd’hui d’addiction, mais d’usages pathologiques. Mais ce n’est pas moins grave, et ces usages constituent même un problème de santé publique.
En pratique, comment savoir si notre enfant rentre dans cette catégorie ?
Le temps passé devant les écrans est évidemment le moins mauvais critère, mais c’est un très mauvais critère. Il faut toujours « contextualiser » le temps passé. Autrement dit, il faut savoir ce que l’enfant fait avec les écrans.

 

Varier les usages des écrans

Le premier critère à prendre en compte est la variété. Un enfant qui ne fait que jouer au même jeu vidéo, ou bien que regarder toujours les mêmes blogueurs, passe à côté de l’extraordinaire variété des écrans. Dans le domaine des écrans comme dans tous les autres, l’alternance est essentielle, autant que la capacité de s’auto réguler. Ces deux capacités vont d’ailleurs souvent ensemble !

 

Écrans connectés et écrans non connectés

Il est également important de prendre en compte le fait que les écrans soient connectés ou non. Les écrans non connectés ont un pouvoir d’isolement considérable. Au contraire les écrans connectés peuvent être l’occasion pour l’enfant de jouer avec d’autres. Il interagit et se socialise avec des camarades qu’il connaît autrement que dans la vie quotidienne. Cette socialisation via les outils numériques est d’autant plus valable que l’enfant y retrouve des camarades qu’il rencontre dans la réalité à d’autres moments.

 

Résultats scolaires un bon signe

Mais comme il est parfois difficile pour les parents de savoir ce que fait exactement leur enfant, il reste le critère des résultats scolaires. S’ils baissent, n’hésitons pas à réduire le temps d’écran. Et en même temps, essayons de comprendre pourquoi ce temps d’écran a pu augmenter ! En effet, un enfant qui bascule dans une consommation excessive le fait souvent sous l’effet d’une situation difficile qu’il a le sentiment de ne pas pouvoir surmonter. Le plus souvent, il s’agit de la séparation de ses parents, d’une déception affective, du deuil d’un grand parent qui s’est occupé de lui, ou encore d’un harcèlement scolaire dont il n’ose pas parler. II faut toujours penser à ces éventualités.

 

Selon vous, lorsque la spirale infernale des écrans est enclenchée, comment peut-on aider nos enfants à prendre du recul ? Quelles actions pour quels âges ?

Serge Tisseron:

Il est toujours possible d’inviter un enfant à prendre du recul. Le premier moyen est évidemment de limiter le temps d’écran. Les parents ne doivent pas hésiter à faire preuve d’autorité !
N’oublions pas que la capacité de contrôler ses émotions et ses comportements est encore peu acquise à l’adolescence. Encore moins dans l’enfance.
L’enfant est capable de passer des contrats. Il est donc essentiel d’en passer avec lui. Mais il faut l’aider à les tenir en contrôlant régulièrement la façon dont il y parvient ou non.
Essayons aussi d’encourager les pratiques de création : la photographie, la retouche avec un logiciel adapté, les films image par image avec un logiciel qu’on trouve en accès libre sur les tablettes etc.
Et encourageons l’alternative d’activités partagées:
– avec écran: comme un film regardé ensemble une fois par semaine. ou
– sans écran: comme un jeu de société.

 

photo Serge Tisseron

 
Serge TISSERON:
Psychiatre. Membre de l’Académie des technologies docteur en psychologie habilité à diriger des recherches. Chercheur associé à l’Université Paris VII Denis Diderot (CRPMS).
www.sergetisseron.com

 

Le 15 septembre 2016

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