Nouvelles recommandations sur l’exposition aux écrans : que faut-il en penser ?
Gestion des temps d’écran : faites ce que je dis, pas ce que je fais
Il n’y a rien qui nous agace plus que les débats manichéens autour des écrans.
Pour ou contre.
Interdire.
Contrôler.
Les intentions du gouvernement de vouloir éradiquer les fléaux liés aux écrans – de l’impact sur le développement au cyber harcèlement – est plus que louable. Le problème est réel.
Mais le problème est que la reprise des médias tend à mettre en avant les interdictions alors que l’essence même des recommandations est orientée vers l’éducation des parents.
Cependant, quand on s’attaque à un vrai problème, il faut aussi réfléchir à des solutions qui peuvent s’appliquer.
Forcément, si on nous interdit quelque chose, notre esprit humain est tenté de se rebeller, de refuser cet affront. L’éducation est de l’ordre de l’intime et le libre-arbitre prévaut (excluant les violences bien entendu). C’est d’autant plus vrai qu’interdire quelque chose qui est à disposition est complètement absurde.
Imaginez que demain on interdise les boissons à base de Cola pour les enfants. Cependant elles restent vendues à tout un chacun. Comment s’assurer qu’au sein des foyers, personne n’en consomme ? C’est impossible.
Vous me direz, les cigarettes et l’alcool sont à disposition aussi et on peut penser qu’on n’a pas à s’inquiéter qu’un parent fasse tirer une taffe à son enfant. Rappelez vous qu’il y encore 30 ans, on fumait librement à côté des bébés ou dans les voitures avec les fenêtres fermées et des enfants en bas-âge embarqués. Des années plus tard, on a éradiqué le fléau de la consommation passive grâce à une combinaison de 2 éléments:
- L’éducation
- Le cadre légal
C’est donc important de comprendre qu’il faut un minimum de cadre légal pour pouvoir aboutir à une action massive et collective mais que l’éducation est essentielle pour comprendre le sens de ces interdictions et se les approprier.
Revenons à nos écrans pour bien comprendre les recommandations qui ont été faites au gouvernement
Pour rappel, cette commission d’experts nommée par Emmanuel Macron a rendu fin Avril un rapport intitulé « À la recherche du temps perdu » sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans.
La première partie du rapport s’applique à comprendre quels sont les impacts réels des écrans sur nos enfants.
Ce que dit le rapport sur l’impact des écrans sur nos enfants
La première partie du rapport s’applique à résumer les risques liés à l’exposition aux écrans dès l’enfance.
Les risques pour la santé physique
L’usage excessif d’écran présente un risque pour la santé physique
Les recherches montrent que l’usage excessif des écrans peut entraîner des déficits de sommeil, une sédentarité accrue, et par conséquent, une augmentation du risque d’obésité chez les enfants et adolescents. Ces problèmes sont particulièrement préoccupants dès le plus jeune âge, mais s’accentuent à mesure que les enfants grandissent et passent plus de temps sur les écrans, en particulier les adolescents.
Les risques d’impact sur la vision existe aussi
L’exposition prolongée à la lumière bleue des écrans peut contribuer au développement de la myopie chez les enfants, un risque qui augmente avec le nombre d’heures passées devant un écran, en particulier chez les enfants de moins de 12 ans.
Les risques liés au développement cognitif
Les risques cognitifs sur les jeunes enfants sont réels
Les écrans peuvent nuire au développement cognitif et émotionnel des jeunes enfants. Une vigilance est recommandée pour les enfants les plus jeunes, idéalement jusqu’à l’âge de 4 ans, car la « technoférence », c’est-à-dire l’interférence de la technologie dans les interactions quotidiennes, peut altérer la qualité et la quantité des interactions parent-enfant nécessaires pour un développement socio-émotionnel et linguistique sain.
C’est donc le temps d’écran qui est en cause ici
Les réseaux sociaux sont un facteur aggravant pour la santé mentale:
Les réseaux sociaux peuvent aggraver des conditions préexistantes telles que la dépression et l’anxiété chez les adolescents. Ces plateformes, par leurs mécanismes de feedback et de comparaison sociale, peuvent être particulièrement impactantes pour les adolescents, en exacerbant les sentiments d’insuffisance et de solitude.
L’exposition à des contenus et sites web inappropriés
Ces risques liés aux contenus non régulés. Les enfants et adolescents ayant un accès facile et non supervisé aux écrans peuvent être exposés à des contenus inappropriés, tels que la violence extrême et la pornographie. Ces expositions peuvent être traumatisantes et ont des implications à long terme sur leur santé mentale et leur développement psychologique, particulièrement pour les préadolescents et adolescents.
Les impacts sociétaux avec l’influence des stéréotypes
Les écrans peuvent renforcer les stéréotypes de genre et sociaux par les médias et jeux vidéo. Ces influences peuvent façonner la perception que les jeunes ont de la société et d’eux-mêmes, en particulier chez les enfants en âge scolaire (6-12 ans) qui commencent à former leur identité sociale.
Les stratégies pour l’avenir entre régulation et accompagnement
La nécessité d’élaborer des stratégies pour réguler l’utilisation des écrans, améliorer la qualité des contenus accessibles aux mineurs, et renforcer l’accompagnement parental et éducatif dans l’utilisation des technologies numériques. Ces mesures sont essentielles pour toutes les tranches d’âge mais doivent être adaptées spécifiquement pour les adolescents qui sont les plus susceptibles d’utiliser les écrans de manière autonome.
Les changements recommandés dans le nouveau rapport de la commission d’experts 2024
Suite à cette analyse, le rapport recommande un série de renforcements de la régulation et de changements qui sont résumés ci-dessous mettant en évidence la différence avec ce qui était précédemment en place.
Pour les enfants de moins de 3 ans : l’absence d’écran à privilégier
- Avant : pas d’écrans recommandés pour éviter les retards de développement et privilégier les interactions humaines.
- Recommandation du rapport 2024 : l’accent est également mis sur l’absence d’écrans, mais avec une recommandation d’un usage très modéré et accompagné si utilisé, orienté principalement vers des interactions récréatives et éducatives.
Pour les enfants de 3 à 8 ans : plus de rigueur sur les temps d’écran et les moments d’usages
- Avant : limitation à des sessions courtes et régulées, principalement pour des contenus éducatifs et éviter les périodes près du coucher.
- Recommandation du rapport 2024 : insistance sur une utilisation ritualisée et limitée, avec une planification qui apprend à l’enfant à attendre et à gérer son temps d’écran, également à distance du coucher.
Pour les enfants de 8 à 12 ans : attention au téléphones portables
- Avant : accompagnement dans la découverte des écrans avec un dialogue ouvert sur leur utilisation et les contenus appropriés.
- Recommandation du rapport 2024: un dialogue positif continu sur l’utilisation des écrans, avec surveillance des signes de troubles du sommeil ou de l’isolement social.
Pour les adolescents (12 ans et plus) : gérer les réseaux sociaux et le cyber-harcèlement
- Avant: encouragement à une utilisation responsable avec supervision parentale, surtout concernant l’accès aux réseaux sociaux.
- Recommandation du rapport 2024: Des restrictions plus strictes avec l’introduction de téléphones sans accès Internet jusqu’à 11 ans et pas de réseaux sociaux jusqu’à 15 ans, pour protéger les jeunes des impacts négatifs de l’exposition précoce.
L’approche générale : être plus stricte et plus structuré
- Avant: une approche plus flexible qui met l’accent sur l’éducation et le contrôle parental.
- Recommandation du rapport 2024: recommandations plus strictes et structurées avec des jalons d’âge précis pour l’introduction de différentes fonctionnalités technologiques.
L’avis app-enfant sur ces recommandations de gestion des écrans
Ce que ce rapport met en avant n’est pas nouveau et la sonnette d’alarme tirée par les experts est justifiée. Cependant cela manque d’outils concrets pour une mise en place efficace :
Les temps d’écran limités et accompagnés chez les tout-petits
Pour les petits ce qu’il faut éradiquer, c’est le tout-écran. Là encore c’est l’éducation qui doit prévaloir : il faut massivement éduquer au fait que ce n’est pas l’écran en soi qui est le souci principal mais le fait qu’il remplace des activités essentielles au développement de l’enfant. Il faut laisser l’enfant manipuler en 3D, se dépenser, échanger avec des vrais êtres humains. L’objectif ici est de ne plus se retrouver avec des enfants qui restent devant un écran trop de temps.
Est-ce réaliste de penser que les efforts d’éducation seront payants ? C’est tout à fait possible. Pour faire le parallèle, en Inde on a réussi à éradiquer les décès des enfants liés à la déshydratation suite à une diarrhée grâce à des campagnes massives de communication. Le problème était simple : la plupart des parents constatants que les enfants faisaient de selles liquides ne donnaient pas d’eau à boire à leurs enfants. La logique étant qu’on ne remet de l’eau dans un seau troué…. Il a donc fallu éduquer les populations et mettre à disposition des solutions de réhydratation. Aujourd’hui ces décès sont rares.
Instaurer plus de rigueur pour les 3 – 8 ans
Dans le cas des enfants plus grands, la rigueur s’impose : cadrer les temps d’écran et choisir les types de contenus (applis, sites web, appareils, etc.). On évite donc les usages à des moments précis : au réveil, au moment de se coucher et au moment des repas. On ritualise. On privilégie les grands écrans et les apps éducatives. En revanche, il est important qu’il puisse y avoir des indications plus claires sur les types de contenus (par exemple différents labels concernant le contenu éducatif, les âges, le temps moyen à passer sur le jeu, etc.). Cela permettra un choix plus éduqué et du temps passé devant les écrans qui soit plus qualitatif.
Retarder l’accès au smartphone et aux réseaux sociaux
Là encore, c’est un enjeu de taille. Permettre à un enfant de posséder un téléphone portable trop jeune c’est comme donner les clés d’une voiture à un jeune qui n’a pas le permis. La norme sociale ne justifie pas l’accès au téléphone ou aux réseaux sociaux : ce n’est pas parce que les copains ont un téléphone qu’il faut en offrir un à son enfant. Ce n’est pas parce que les copains sont sur Tik Tok, qu’il faut leur.
C’est un leurre de penser qu’il sera isolé s’il n’en a pas. Finalement un enfant qui a un smarphone va passer plus de temps sur son écran mais cela va aussi créer plus d’anxiété envers les parents qui auront tendance à être plus vigilants (par exemple de la géo-localisation ou des contrôles parentaux).
Autoriser son enfant à ne pas avoir de téléphone portable, c’est un peu comme lui montrer qu’on a beaucoup plus confiance en lui !
Il est possible que cet argument ne fasse pas mouche auprès de votre préado qui attend son iphone mais dans les faits, c’est réel !
Aider les jeunes à créer un climat de confiance en anticipant au maximum
En réalité, ce qui compte avec les plus grands, c’est le dialogue.
Prévenir, plutôt que guérir.
Accompagner plutôt qu’interdire.
Dans les faits, il s’agit de les prévenir qu’ils peuvent se retrouver exposés à des contenus inappropriés et leur donner la possibilité d’en parler, en les déculpabilisant. Leur expliquer les risques d’addictions et les impacts pour leur santé. Leur indiquer combien de temps ils peuvent rester ou donner des règles indicatives.
Il s’agit ici de leur donner des repères car trop souvent on pense que le contrôle parental sera suffisant pour s’auto-réguler mais les enfants ont rarement suffisamment de recul pour arriver à faire ce travail seul. Il faut aussi leur laisser faire des erreurs, contrôler de temps en temps mais avant tout créer un climat de confiance autour de cet usage.
Zéro tolérance sur le cyber harcèlement
Dernier point essentiel : il est important ne laisser aucune place au cyber harcèlement. Cela commence par un cadre légal fort et contraignant. Il n’est possible de laisser cette haine se propager sans répercussion. C’est là que des efforts doivent être collectifs : autorités, école, parents, professeurs,… Tout le monde doit s’aligner pour ne laisser rien passer sur ce sujet.
Nous espérons que cet article aura pu vous aider à éclairer la compréhension de ce rapport. N’hésitez pas à donner votre point de vue en commentaire.
Commentaires